Ils ne sont pas sans talent, ni hors du temps. Pourtant, de nombreux jeunes Marocains sans diplôme restent à la marge du système, observant la montée de l’intelligence artificielle avec autant de curiosité que d’appréhension. Pour Abdeljalil Sadik, consultant en stratégie et gouvernance des systèmes d’information, expert en cybersécurité et en IA, le défi est clair : faire de l’IA un outil d’inclusion plutôt qu’un facteur d’exclusion.
« L’intelligence artificielle ne doit pas être pensée comme un substitut de l’humain, mais comme un partenaire, un outil d’intelligence augmentée », explique-t-il. Libérer des tâches répétitives, accompagner l’apprentissage, élargir l’accès au savoir : l’IA peut devenir un puissant levier, à condition que l’humain garde toujours le dernier mot.
Concrètement, des usages simples mais transformateurs existent déjà : simulateurs d’entretien, outils de rédaction assistée, plateformes d’orientation, générateurs de projets ou de contenus. Autant de moyens qui permettent aux jeunes éloignés du système académique classique de se projeter et de construire leur avenir. Mais, avertit Sadik, « l’IA doit être une rampe d’élan, pas un écran de plus ». La clé réside dans la formation critique, afin d’éviter toute dépendance technologique.
Reste la question de l’éthique. Les biais intégrés dans les algorithmes – qu’il s’agisse du tri de CV ou de la notation des freelances – peuvent reproduire des discriminations invisibles. « L’équité doit se penser dès la première ligne de code », insiste l’expert, plaidant pour une IA transparente, explicable et régulée, à l’image des cadres législatifs européens. Pour lui, l’IA ne doit pas seulement être inclusive dans ses usages, mais aussi dans sa conception, en impliquant des juristes, des sociologues et des éducateurs dès les premières étapes.
Quant aux opportunités pour les jeunes sans diplôme, elles existent déjà : cybersécurité, maintenance informatique, création de contenu, support technique. Beaucoup maîtrisent des compétences concrètes mais restent invisibles, faute de reconnaissance institutionnelle. Sadik appelle à développer des écosystèmes accessibles : micro-services numériques, coopératives locales, plateformes de formation certifiante, badges de compétences validés par des professionnels.
Au-delà de la performance économique, l’IA doit devenir un outil de justice sociale et de lien. Car aucune machine ne remplacera la présence humaine, l’écoute ou la nuance. « La machine peut suggérer, mais c’est l’humain qui relie et fait exister », rappelle-t-il. Pour le Maroc, l’enjeu n’est pas seulement technologique : il s’agit de bâtir une stratégie qui conjugue souveraineté numérique, équité et inclusion.
Source : Entretien avec Abdeljalil Sadik , Finances News Hebdo