Cyberviolence au Maroc : 1,5 million de femmes victimes, une urgence sociétale

La cyberviolence prend une ampleur inquiétante au Maroc. Près de 1,5 million de femmes ont déjà subi des violences virtuelles, messages injurieux, diffamation, appels abusifs, harcèlement en ligne, représentant 19 % de toutes les formes de violences enregistrées à l’échelle nationale. Derrière ces chiffres, une réalité souvent invisible : des vies fragilisées, une dignité bafouée, et parfois des drames humains.

L’alerte de l’Association Tahadi

Dans un communiqué publié, par l’Association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté (ATEC), a tiré la sonnette d’alarme sur l’explosion des intimidations numériques, qui touchent de manière disproportionnée les femmes et les jeunes filles.

L’organisation rappelle que ces violences ne se réduisent pas à des insultes : elles incluent la diffusion non consensuelle de photos ou vidéos intimes, le chantage numérique, l’usurpation d’identité, et même des campagnes coordonnées de diffamation.

« Certaines victimes, ou leurs proches pris pour cibles, ont été poussés à des tentatives de suicide, ultime réponse à l’injustice subie », alerte l’ATEC.

Des statistiques qui interpellent

Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a révélé que le risque de cyberviolence est particulièrement élevé pour certaines catégories sociales :

  • Jeunes femmes de 15 à 19 ans : 29 % déclarent avoir été victimes.
  • Étudiantes : 34 %.
  • Célibataires : 30 %.
  • Femmes ayant un niveau d’enseignement supérieur : 25 %.
  • Citadines : 16 %.

À noter que 73 % des violences numériques sont perpétrées par des auteurs inconnus, ce qui rend les poursuites judiciaires extrêmement difficiles.

Une augmentation alarmante des signalements

Les données issues de l’Espace Maroc Cyberconfiance (EMC) confirment cette tendance : entre 2023 et 2024, le nombre de signalements liés à la cyberviolence a augmenté de 35 %.
Les principales formes rapportées sont :

  • le cyberharcèlement répété,
  • la diffusion de contenus intimes sans consentement,
  • le chantage numérique (revenge porn, menaces),
  • l’usurpation d’identité sur les réseaux sociaux.

Cette hausse reflète à la fois l’aggravation du phénomène et une plus grande propension des victimes à demander de l’aide.

Un cadre légal encore insuffisant

Actuellement, la loi marocaine ne permet pas de sanctionner toutes les formes de violences numériques. La loi 103.13 sur la lutte contre les violences faites aux femmes, adoptée en 2018, offre une base juridique, mais reste partiellement adaptée au monde numérique.

Si certaines propositions parlementaires récentes cherchent à élargir son champ d’application aux violences en ligne, l’ATEC estime que la réponse est encore très en deçà de la gravité des faits.

Les contenus portant atteinte à la dignité, à la réputation, ou pouvant « porter atteinte au droit fondamental à la vie » doivent être clairement criminalisés, insiste l’association.

La société civile en première ligne

En l’absence d’un cadre juridique suffisamment robuste, ce sont souvent les associations et initiatives citoyennes qui jouent un rôle crucial.

  • Association Tahadi (ATEC) : au-delà de ses plaidoyers, elle mène des actions de sensibilisation auprès des jeunes et propose des accompagnements psychologiques et juridiques aux victimes.
  • EMC Helpline (Espace Maroc Cyberconfiance) : cette plateforme, créée dans le cadre du Centre Marocain de Recherches Polytechniques et d’Innovation (CMRPI), permet aux victimes de signaler anonymement des cas de cyberharcèlement et de recevoir un soutien technique et psychologique.
  • Campagnes de sensibilisation nationales : des programmes éducatifs sont organisés dans les écoles et universités, visant à informer les jeunes sur les dangers des cyberviolences, mais aussi sur leurs droits et les mécanismes de signalement.

Ces initiatives montrent que la mobilisation de la société civile est un rempart essentiel, mais elles restent limitées en portée et nécessitent un appui institutionnel : c’est une urgence nationale.

📌 Source :Le Matin – « Les cas de cyberviolence ont bondi de 35% entre 2023 et 2024, Pr Bentaleb ».

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