Services publics numériques : le Maroc progresse, mais reste dans le ventre mou du classement GEMS-2024

Le rapport GEMS-2024, publié par la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie occidentale (CESAO), dresse un constat lucide : le Maroc progresse dans la digitalisation de ses services publics, mais l’écart se creuse avec les leaders régionaux, notamment les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite ou la Jordanie. Classé parmi les pays à niveau de maturité « moyen », le Royaume peine à transformer ses ambitions numériques en leviers concrets de performance publique.

Une modernisation réelle mais incomplète

Le Maroc a lancé plusieurs initiatives structurantes dans le cadre de la stratégie « Maroc Digital 2030 » : généralisation de l’identité numérique, portail wraqi.ma, dématérialisation partielle des démarches administratives, ou encore développement de plateformes sectorielles comme massarservice.men.gov.ma pour l’éducation ou mouhafadati.gov.ma pour les affaires foncières. Cependant, ces efforts restent fragmentés, et l’usager se heurte encore à des portails cloisonnés, à des interfaces peu intuitives, ou à des parcours qui nécessitent toujours une validation physique.

Le rapport GEMS-2024 souligne que l’expérience utilisateur n’est pas encore au cœur de la transformation numérique marocaine, et que l’interopérabilité entre les systèmes reste insuffisante, entraînant redondances, erreurs, lenteurs et frustration.

Les bons élèves de la région : un modèle de gouvernance

À l’opposé, les pays les mieux classés – dont les Émirats et l’Arabie saoudite – ont bâti leur succès sur des stratégies unifiées, des guichets numériques intégrés, des applications mobiles fluides, et surtout sur une gouvernance centralisée de la transformation numérique. Ils placent la satisfaction de l’usager au centre de leur action publique, avec des indicateurs de performance orientés résultats, un suivi de l’usage, et des ajustements continus.

Le Maroc, en revanche, reste confronté à une gouvernance dispersée, entre ministères, agences et collectivités locales, avec des niveaux d’appropriation très hétérogènes.

Des défis techniques, humains et territoriaux

Le rapport met aussi en avant les défis structurels que connaît le Maroc :
– Inégalités d’accès à Internet dans les zones rurales et périurbaines
– Faible culture numérique chez une partie des agents publics
– Manque de formations continues
– Absence de stratégie UX (expérience utilisateur) pour concevoir des services adaptés à tous les profils citoyens

Par ailleurs, certains secteurs stratégiques restent en retrait, notamment la santé et le tourisme, qui n’ont pas encore intégré pleinement les outils numériques à leur fonctionnement quotidien. À l’inverse, des avancées significatives sont notées dans les secteurs de l’éducation, de l’emploi et de l’intérieur, où des services dématérialisés sont progressivement adoptés.

Une opportunité à saisir pour 2025–2030

Le Maroc a les ressources humaines et technologiques pour franchir un cap, à condition de renforcer la coordination interinstitutionnelle, d’améliorer l’accessibilité des services, de garantir la sécurité des données personnelles, et surtout de mettre en place une logique d’écoute citoyenne permanente.

Le rapport GEMS-2024 sonne donc comme un rappel stratégique : il ne suffit plus de numériser des procédures, il faut repérer les usages réels, réduire la complexité administrative, et réconcilier le citoyen avec son administration numérique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *