On parle souvent de souveraineté comme d’un slogan.
Mais dans le numérique, ce n’est plus une idée. C’est une nécessité urgente.
Et cette nécessité a un nom : reprise de contrôle.
Aujourd’hui encore, des États africains gèrent leurs données sensibles sur des serveurs hébergés à l’étranger.
Des ministères communiquent via des messageries non sécurisées.
Des plateformes publiques reposent sur des infrastructures dont la gouvernance nous échappe totalement.
C’est une faille. Une dépendance. Une faiblesse que personne ne peut ignorer.
1. Une souveraineté théorique sur des infrastructures étrangères
On célèbre la dématérialisation, on vante la digitalisation…
Mais derrière les outils, il y a l’infrastructure. Et cette infrastructure, dans 80 % des cas, ne nous appartient pas.
Clouds hébergés hors du continent. Logiciels imposés par les marchés. Chaînes de valeur technologiques entièrement maîtrisées par d’autres. Tant qu’on ne décide pas où vont nos données, qui y accède, et comment elles sont traitées, on ne parle pas de souveraineté. On parle de gestion sous influence.
2. La dimension énergétique : le cœur oublié du numérique africain
Il y a une vérité que peu de décideurs osent regarder en face :
Un data center ne tourne pas avec de la bonne volonté. Il tourne avec de l’énergie.
Pas de cloud souverain sans électricité stable.
Pas de cybersécurité sans infrastructures alimentées 24h/24.
Pas de transformation numérique durable si chaque serveur dépend d’un groupe électrogène.
L’énergie est la colonne vertébrale du numérique. Et pour l’instant, elle est souvent instable, centralisée, et trop chère.
L’Afrique doit cesser de séparer les questions numériques des politiques énergétiques. Solaire, hybride, hydroélectricité, micro-réseaux : toutes les options doivent être envisagées non pas comme des gadgets verts, mais comme des fondations d’un avenir maîtrisé.
Et si l’on veut que cet avenir tienne debout, il va falloir regarder la réalité en face : Nos marchés nationaux sont trop petits pour jouer en solo. Si on veut que le numérique et l’énergie deviennent de véritables outils de souveraineté, alors il va falloir apprendre à construire ensemble.
Un data center, ça ne se finance pas avec de la fierté.
Et une infrastructure énergétique stable, ça ne se rêve pas à huis clos.
Il est temps que les États africains mutualisent, plutôt que de s’essouffler chacun dans son coin.
3. Vers une stratégie unifiée : Numérique + Énergie + Gouvernance
L’Afrique n’a pas besoin d’une nouvelle application mobile.
Elle a besoin d’un plan coordonné entre les ministères du Numérique, de l’Énergie, de l’Industrie, de la Défense et de l’Éducation. Parce que la souveraineté numérique ne se décrète pas. Elle se construit à la jonction de trois blocs :
- l’infrastructure (serveurs, datacenters, réseaux)
- la souveraineté énergétique pour l’alimenter durablement
- la gouvernance pour protéger, réguler, anticiper
La souveraineté numérique n’est pas une technologie à acheter. C’est une posture. Une organisation. Une volonté.
4. Ma conviction
Je ne crois pas en une Afrique dépendante de solutions prêtes à l’emploi. Je crois en une Afrique qui conçoit ses propres architectures, forme ses propres spécialistes, et surtout, ose affirmer son droit à décider.
Ce n’est pas une lubie nationaliste. C’est du pragmatisme.
Ce n’est pas une utopie. C’est un projet politique.
Et comme tout projet politique, il demande une vision, des moyens et du courage.
Parce qu’à chaque fois que nous externalisons ce que nous pourrions maîtriser, nous prenons le risque de perdre plus que des données : nous perdons notre capacité d’agir.
Conclusion
Nous sommes à un tournant. Numériser sans réfléchir, c’est bâtir sur du sable. Il est temps de poser des fondations solides. De penser:
- Numérique et énergie.
- Sécurité et indépendance.
- Modernité et responsabilité.
Pas pour rattraper un retard. Mais pour choisir notre propre tempo.
Parce que la souveraineté numérique ne se réclame pas. Elle se construit.
Et aujourd’hui, ce chantier commence ici.

Marck-Antoine Jr Hodonou
Directeur Cybersécurité & IT – Quantinel Group
Stratège en communication d’influence & transformation digitaleFondateur de Virtuose 360, Auteur de Devenir un leader influent et inspirant à l’ère digitale
Contact : mailto@ceschod.com
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Site : www.virtuose360.fr